Les chiens de race et leurs maîtres

dimanche 11 avril 2004
par  Alain Izzet
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« Les chiens de race ressemblent à leurs maîtres"...

Sous ce titre, plusieurs agences de presse ont rendu compte, mardi dernier, des résultats d’une étude de l’université de San Diego en Californie.

Cette question, qui nous a tous traversé l’esprit en nous promenant dans la rue, une de mes élèves aux Etats-Unis se l’était posée dans le cadre de la Fête des sciences de l’école l’année où j’y étais...

La fête des sciences est, là-bas, un événement majeur de l’année scolaire : Olympiades nationales des sciences entre établissements publics, fêtes locales dans les établissements primaires et secondaires privés, programmes spéciaux sur certaines chaînes de télévision, etc.

A l’école franco-américaine de Philadelphie, c’est donc une fête de l’école. Tous les élèves y participent, de la petite section de maternelle au CM2 :
- Les plus petits travaillent sur le principe des collections : collections d’objets de même couleur, de même forme, ou de même nature (collection de fruits, de graines, d’outils, etc.), suivant leur âge et leurs centres d’intérêt. Chaque classe a travaillé plusieurs semaines pour se constituer une collection.
- Les niveaux intermédiaires (CE1 et 2) font des enquêtes sur des thèmes du type "les volcans", "les tremblements de terre" ou "le tube digestif". Ils composent des panneaux, font des dessins, des schémas explicatifs et parfois des maquettes. Chaque élève travaille plusieurs semaines sur sa propre enquête. Deux fois par semaine, il fait le point avec le professeur de sciences sur l’avancement de son projet. Comme les collections des petits, ces productions sont exposées le jour de la fête des sciences.
- Les plus grands (CM2, 2h de sciences/semaine) font chacun une véritable petite recherche : à partir d’une question que l’élève se pose, il crée son protocole d’expérimentation, conduit son expérience, observe et note ses résultats sur un cahier spécial... et présente le jour de la fête, oralement, face au public de tous les élèves de l’école et des parents, les fruits de sa recherche.

Ainsi, une élève s’est posée la question de savoir si les mâles étaient plus intelligents que les femelles. Pour son expérience, elle a élevé 4 souris, identifiées par le vendeur comme deux mâles et deux femelles. Elle s’est fabriqué un labyrinthe modulable et a placé des morceaux de fromage à une extrémité et les deux souris femelles à l’autre (honneur aux femmes a-t-elle dit !). Elle a chronométré le temps. Puis elle a refait l’expérience avec les mâles. Et là encore, elle a chronométré. Et elle a recommencé l’expérience tous les soirs pendant trois semaines, en modifiant le labyrinthe de sorte que le trajet vers la nourriture soit différent chaque jour. Ainsi, elle a largement eu le loisir de voir (mais ce n’était pas le but de son expérience) que les souris, logeant dans la même cage, s’étaient reproduites... Mais au bilan final, l’élève nous a dit qu’elle s’était rendu compte que les mâles allaient plus vite, mais probablement étaient-ils aidés par l’odeur laissée par les femelles sur le trajet vers le fromage...

Un autre s’était interrogé sur l’attrait des plantes pour la lumière : il avait planté trois pots de haricots. Le premier était en pleine lumière, le deuxième ne recevait que très peu de lumière tamisée et le troisième était placé dans une caisse en carton où un trou d’une vingtaine de centimètres laissait passer une lumière forte mais donc très localisée. Et il a observé la croissance de ces plantes. Quand les deux plantes éclairées (1ère et 3e, donc) ont atteint les 20 ou 30 cm, il a ajouté à celle qui était dans la caisse une seconde caisse, enveloppant la première et ayant elle aussi un orifice mais placé perpendiculairement au premier. De la sorte, la plante a dû se courber de nouveau pour se diriger vers la lumière...

Je ne citerai pas toutes les expériences ici. Vingt cinq élèves ont ainsi "pris le micro" le jour de la fête et ont présenté leurs expériences, leurs résultats et leurs conclusions... Le texte avait été écrit en classe et dans les deux langues... Je n’en citerai qu’une dernière : cette élève qui s’est posée la question de savoir si les chiens ressemblaient à leurs maîtres. Elle a eu du mal à aborder les gens, à leur présenter le sujet de son enquête, mais a fait des photos... et n’est pas arrivée à un résultat concluant car elle s’est rendu compte de la subjectivité du regard. En soi, ce résultat était déjà un grand succès il me semble.

Préalablement à tout se travail, le professeur de sciences avait passé plusieurs séances, en début d’année, à apprendre aux élèves à effectuer des mesures (temps, longueur, masses, etc.) et les avait accompagnés dans la définition de leurs protocoles d’expériences.

Certes, une fête des sciences comme celle-là serait difficile à mettre en place dans le contexte de nos écoles. Mais probablement y aurait-il quand même à s’interroger sur ce qu’on pourrait faire en sciences... Pour aider nos élèves à réussir dans leur vie, pour les armer contre les obscurantismes, pour...

Une dernière chose à ceux qui diraient on n’a pas le temps de faire de telles expériences en classe  :

En notant les résultats de leurs observations sur leurs cahiers, et en préparant leur texte de présentation (ou leurs panneaux présentant leurs enquêtes), les élèves ont écrit. Et ils se sont réellement motivés pour écrire lisiblement, sans fautes, et surtout un texte clair. Ils ont lu, se sont documenté, ont observé, chronométré, mesuré, pesé, compté, tracé... Vous avez dit "Maîtrise de la langue" ? Mathématiques ? Esprit critique ? Echanges entre élèves ? Motivation ? Respect des programmes ?

Alain Izzet