Des groupes dans la classe
(1ère partie)

lundi 1er novembre 2004
par  Jean-Claude ROLLAND
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Socio construction, conflit socio-cognitif, confrontations entre pairs, ...

Lire la confrontation socio-cognitive par Jean-Paul Roux sur VousNousIls.

Les groupes sont-ils une panacée ?

Après avoir tenté quelques séances « en groupe », il arrive parfois qu’on se dise :
-  Mais, ils ne savent pas travailler en groupe ! Ils ne sont pas prêts, pas assez mûrs ...
-  C’est un moyen pour que les plus paresseux ne fassent rien
-  Ils bavardent au lieu de travailler
-  Certains ne veulent pas travailler avec les autres
-  C’est compliqué, il faut réaménager ma classe
-  C’est long, je ne finirai jamais le programme
-  Ça n’aide que les meilleurs et cela crée des écarts
-  Cela crée des conflits inutiles entre eux
Afin de tenter ici d’analyser ce qui se passe quand les élèves travaillent en groupe on s’attardera d’abord sur la tâche à accomplir, les types de groupes puis sur la composition des groupes, et enfin sur les finalités pédagogiques de l’enseignant.

Les tâches et l’effet des groupes

Qu’en est-il des tâches demandées et voyons s’il y aura nécessité de « mettre les élèves en groupe ». Nous utiliserons pour cela des parallèles avec des activités physiques et sportives :

Prenons d’abord l’exemple d’une équipe d’aviron, d’un pack d’avant au rugby : la part de chacun s’additionne au bénéfice du groupe, on parle alors de tâche additive.
Chaque contribution des élèves, quelque soit leurs compétences ou leurs capacités, est utile à la collectivité. En classe, il peut s’agir d’une œuvre collective en éducation artistique, d’une chorale, d’une représentation théâtrale ou chorégraphique. De même, cela pourra être une recherche collective de mots dans des ouvrages différents pour une séance de vocabulaire ou d’observation réfléchie de la langue, des constructions géométriques au service d’un projet commun, ...
Certains membres peuvent ne pas participer à l’activité, cela réduira l’efficacité sans pour autant nuire aux résultats. L’efficacité du groupe dans ce type de tâche provient du fait qu’elle sera supérieure à celle de chacun des membres, supérieure quelques fois à l’efficacité du plus compétent des membres du groupe. On peut parler de taylorisation de la tâche puisque chaque membre traite un sous-ensemble de la tâche à effectuer.

Autre exemple sportif, une compétition de gymnastique par équipe. Les performances de chacun ne s’additionnent plus simplement ; la performance du groupe est la moyenne des contributions de chacun. On parle de tâche compensatoire.
Il s’agit là d’une collecte d’actions individuelles. En classe, un texte collectif écrit à la manière des cadavres exquis pour lequel chaque élève écrit une partie de l’histoire avant une mise en commun. En arts visuels ce sera une frise réunissant les œuvres des élèves. En recherche documentaire, ce pourra être un exposé pour lequel les différentes tâches ont été réparties sans pour autant qu’il y ait prise de décision collégiale finale sur la validité des travaux de chacun.
Le bénéfice est supérieur à l’action d’une bonne partie des membres du groupe, mais cependant il sera toujours inférieur au rendement du ou des membres les plus compétents. Ce type de tâche valorisera les élèves les plus en difficulté.

Les activités sportives tels les sports collectifs pour lesquelles une stratégie collective doit être mise en œuvre. Le groupe a besoin pour agir de se déterminer à partir de l’avis de tous ses membres. On parle alors de tâche disjonctive.
Des choix doivent être opérés par les membres du groupe, un consensus doit être trouvé afin que les travaux puissent avancer. Se seront par exemple des problèmes mathématiques, des recherches dans le domaine expérimental nécessitant des choix entre plusieurs possibilités. L’efficacité en sera supérieure à celle de la majorité des membres du groupe, voire supérieure à celle du plus compétent. Pourtant si un élève trouve, la performance du groupe dépendra de lui, donc du plus compétent.

Prenons maintenant l’exemple d’une cordée en escalade. Chacun devra contribuer au meilleur de ses compétences. La tâche est indivisible, il est impossible de se répartir le travail et les contributions de chacun sont nécessaires. On parle alors de tâche conjonctive indivisible. Par exemple, dans un orchestre, une chorale dans lesquels chacun a un rôle différent, la participation active de chaque élève est nécessaire. Le résultat sera équivalent à celui ayant le moins de compétences, les membres du groupe étant en totale interdépendance.
Autre tâche conjonctive, cette fois divisible : la course de relais. Les performances de chacun contribuent au résultat du groupe.

Vincent J.F. d’après la typologie des tâches de Steiner - Les composantes de l’apprentissage coopératif - OCCE

Les types de groupes

Quels groupes pour quels objectifs, quelles tâches ?
Les groupes ici décrits pourront avoir des « durées de vie » variables. La liste présentée n’est pas exhaustive et certains travaux organisés dans la classe pourront combiner différents types de groupes ;
D’après JP Astolfi et JF Vincent

-  les groupes permanents : constitués dans la classe pour plusieurs disciplines, voire même pour toute l’année. Les critères de constitution pourront être les affinités, la mixité, le niveau scolaire, ...
-  les groupes de hasard : pour une constitution rapide et de courte durée pour des activités ponctuelles, des petites recherches, des exercices d’entraînement
-  les groupes de projet : constitués autour de projet de recherche, de production. Constitués d’élèves ayant déjà les compétences nécessaires à l’accomplissement de la tâche, favorisant donc des transferts et le réinvestissement de savoirs. Ce sont aussi les groupes de travail en autonomie
-  les groupes de besoins : constitués en lien avec les besoins repérés lors d’évaluations ou pendant le travail de classe. Ces groupes sont par définition éphémères et à géométrie variable. Ils permettent la différenciation. Un ou plusieurs élèves peuvent y avoir un statut de « moniteur » ou de tuteur.
-  les groupes de communication : constitués pour l’apprentissage du travail de groupe, peuvent être réunis pour réguler la dynamique de classe
-  les groupes de découverte : similaires aux groupes de projet pour permettre à d’approfondir un aspect d’une question d’un problème collectif à la classe
-  les groupes de confrontation : constitués pour faciliter les confrontations de points de vue, les représentations afin de provoquer leur dépassement (vers les conflits sociocognitifs)
-  les groupes d’évaluation mutuelle : constitués pour utiliser d’autres lectures d’un travail, en faire apparaître les faiblesses et les points forts. Cela permet à chacun d’entrer dans l’analyse critique des travaux à condition que ces critiques ne soient pas trop négatives.
-  les groupes d’assimilation : constitués pour la reformulation, pour laisser le temps de se redire ce qui vient d’être énoncé.
-  les groupes d’entraînement mutuel : permettant de faciliter la tâche de chacun grâce aux ressources du groupe lui-même. Là encore, tuteurs et « tutorés » travaillent ensemble.
-  les groupes combinés : groupes constitués par la combinaison successive de plusieurs groupes. Par exemple, travail individuel, puis à 2, puis 6, 12, 24
-  les groupes reconstitués : par exemple, les élèves faisant partie d’un groupe permanent travaillent avec d’autres dans des groupes éphémères puis reviennent dans leur groupe initial pour faire un compte-rendu des travaux.
-  les groupes porte-parole : il s’agit d’un groupe constitué d’un ou plusieurs membres rapporteurs d’un groupe de travail. Ils rendront compte à la classe du travail effectué dans ce groupe porte-parole. Cela permet d’évaluer les travaux réalisés dans les groupes de travail ou de prendre une décision s’il s’agit d’un conseil d’élèves dans une école.
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