Je suis professeur des écoles à Epinay et, ...
je n’ai pas pu reprendre mes élèves aujourd’hui

vendredi 3 décembre 2004
par  ...
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Je suis professeur des écoles à Epinay. Je n’ai pas pu reprendre mes élèves aujourd’hui et j’admire mes collègues qui ont trouvé la force de le faire. Depuis que la menace de condamnation pèse sur Philippe, comme tant d’autres collègues, je vis avec l’angoisse au quotidien.
Je ne connais pas Philippe personnellement, je lui ai seulement écrit une fois pour lui faire part de mon soutien.
L’espoir mis dans son procès en appel s’est écroulé hier.

Il y a un an nous en étions là, à la veille de Noël, abasourdis par la décision prise par la justice de condamner Philippe. Nous sommes nombreux à regretter aujourd’hui de n’avoir pas su mener une action fédératrice pour faire avancer les choses mais... il ne fallait pas "faire pression sur la justice" et nous ne l’avons pas fait.

Nos quatre derniers inspecteurs de circonscription, de nombreux collègues, des représentants de divers syndicats étaient présents au procès du 28 octobre. On entendait partout : "si Philippe est condamné, nous ne pouvons plus exercer notre métier".
Ça y est, Philippe est condamné... Les réponses que nous attendons depuis un an ne seront pas arrivées à temps.
Quelle décision allons nous prendre aujourd’hui ? Allons-nous comme l’année dernière laisser s’estomper notre choc dans les prochaines festivités de Noël ?

Au père de l’élève de Philippe je souhaite dire :
Vous ne pouvez pas croire que les enseignants partagent l’horreur du drame que vous avez vécu, et je comprends que la douleur vous aveugle, mais vous oubliez qu’avant d’être enseignants, nous sommes aussi parents pour la plupart d’entre nous et que nous sommes tous conscients que Sarah aurait pu être notre fille.
Avez-vous imaginé un instant que Philippe soit votre frère (ou votre fils dans quelques années ?) Avez-vous imaginé un instant ce que signifie "être déclaré coupable de la mort d’un enfant" ? Pensez-vous sincèrement que nous serions aussi nombreux à soutenir quelqu’un si nous le croyions coupable ? Il ne s’agit en rien du « pot de terre contre le pot de fer » mais de la détresse d’un père « face à » (et non contre) la détresse d’un enseignant.

A mes collègues je souhaite dire :
Ne nous accusons pas les uns les autres de n’avoir pas fait ce qu’il aurait fallu faire. Restons solidaires. Mais surtout continuons à nous engager et à nous persuader que l’action de chacun de nous, aussi minime soit-elle peut faire avancer les choses. Chacun s’engage dans la mesure de ses possibilités, de ses convictions, de sa sensibilité. Demandons-nous cependant pourquoi à tel ou tel moment, nous n’avons pas agi, et mettons dans la balance l’intégrité d’un homme avec la raison pour laquelle nous avons omis de manifester notre avis, d’aller à telle réunion ou d’utiliser tel ou tel moyen d’action.

Et en particulier aux collègues proches de Philippe et qui sont à ses côtés depuis 8 ans :
J’imagine votre amertume, votre désarroi. Soyez « enseignants » aussi dans cette situation, c’est à dire dans le sens le plus noble de ce mot, et chacun de nous sait à quelle difficulté nous sommes confrontés quand l’émotion s’en mêle ! Vous avez agi.
Gardez la force de continuer à convaincre même si vous avez la sensation d’avoir été peu suivis et peu écoutés.

Aux parents de nos élèves je souhaite dire :
Tant que quelqu’un n’a pas enseigné, il n’a qu’une idée très vague de la réalité du quotidien dans les classes. Pourquoi dans certaines écoles êtes-vous venus si peu nombreux aux réunions que nous vous avons proposées ? Nous avons tous le même objectif de sécurité pour nos élèves, pour nos enfants. Alors pourquoi n’avons nous pas pu en parler avant ?

Aux collègues des autres départements je souhaite dire :
Rejoignez-nous, prenez le relais.

A la justice et à l’Education Nationale je souhaite dire :
" ?????"

Ce message n’apporte rien de plus à la situation que nous vivons aujourd’hui. Je veux cependant remercier Jean-Claude Rolland d’avoir créé ce site et de nous permettre de nous exprimer.


Texte d’une collègue d’Epinay


Commentaires  Forum fermé

> Je suis professeur des écoles à Epinay et, ...
je n’ai pas pu reprendre mes élèves aujourd’hui
samedi 19 mai 2007 à 16h15

Bientôt 2 ans se sont écoulés depuis mon message, et toujours aucun enseignant n’est venu me rejoindre dans mon combat ...
Pauvre France, pauvres petits enseignants ...
Tant de bruits pour ... rien !
Rien ne sert à geindre si vous ne prenez pas votre avenir en mains ...
Le papa de Sarah - 19/05/2007

Logo de Jean-Claude ROLLAND
> Je suis professeur des écoles à Epinay et, ...
lundi 26 septembre 2005 à 23h09 - par  Jean-Claude ROLLAND

Ce message a été modéré :

Réponse de la part du papa de Sarah
Je découvre votre mot ce jour, contrairement à vous je ne reste pas anonyme.
Au père de l’élève vous souhaitez dire certaines choses. Pendant les 4 premières années nous avons été au coté de Philippe pour le soutenir, et comme le disait justement (la) directrice de l’école, c’était le monde à l’envers les parents qui soutenaient le corps enseignant (dixit à la chambre correctionnelle de Bobigny).
Je ne me mettrai à la place de Philippe Boubet car je ne suis pas à sa place. Je peux comprendre la réaction du corps enseignant et je tiens à vous préciser qu’au début de l’accident j’ai pris contact avec votre syndicat pour que nous travaillons ensemble sur les problèmes de norme de sécurité pour assurer la sécurité des élèves mais aussi celle du corps enseignant. Votre syndicat m’a répondu par courrier qu’il attendrait la fin de la procédure pour me faire connaître sa décision : plusieurs années se sont écoulées, combien d’accidents ont eu lieu depuis ??? Je ne peux pas me mettre à la place de Philippe Boubet comme personne ne pourra et ne peut se mettre à notre place. Jamais je n’aurai cette incorrection de demander à quelqu’un de se mettre à notre place.
Dans ce long combat j’ai toujours été impartial. Je n’ai jamais cherché à venger la mort de ma fille Sarah. Et j’en veux pour preuve, NOUS N’AVONS JAMAIS DEPOSER PLAINTE CONTRE L’INSTITUTEUR.
J’ai toujours cherché à rester positif dans cette situation. Je n’ai jamais cherché à atteindre sous toutes formes que ce soit l’instituteur pour trouver la paix.
Il existe un sérieux problème en France, celui des normes de sécurité des bâtiments scolaires et je ne crois pas qu’en faisant l’autruche comme l’a fait votre corps enseignant que vous éviterez le danger. …modération…
Actuellement j’écris un livre sur l’accident de ma fille Sarah. Son titre : "Quand la lumière du jour reviendra" roman plein d’espoir et d’amour afin de rétablir la réalité et la vérité sur tous ce qui a pu se dire. Vous n’imaginez pas un seul moment où moi papa de Sarah par où je suis passé, menaces de mort pour que j’arrête la procédure, une volonté de vouloir m’interner chez les fous, convocation de Sarah à son propre procès etc ... Je crois qu’il y a beaucoup de choses que vous ne savez pas. Concernant Philippe Boubet, sa situation n’est pas et n’a pas été facile, mais beaucoup de soutien de la part de ses collègues et une procédure judiciaire. Moi, personne pour me soutenir, un procès à gérer dans la pression car le gouvernement de l’époque à tout fait pour nos faire craquer. Je vous rappelle que monsieur Le Roux Bruno était maire d’Epinay à l’époque et ... le conseillé Sécurité de Monsieur Jospin ...
Alors je terminerai cette missive par cette phrase : arrêtez de pleurer sur votre sort, si au début du procès vous m’aviez rejoint comme je l’avais demandé à votre syndicat vous n’en seriez peut-être pas là. Peut-être le gouvernement de l’époque aurait les choses de façons tout à fait humaines. Et ce n’est pas en regardant son nombril qu’on fait avancer les choses.
Je vous réinvite à me joindre dans mon combat. Vous avez mon adresse email.
Sincères salutations.
PS : Je vous rappelle que la victime est SarahBrunelle.