Que faire après Philippe ?

jeudi 16 décembre 2004
par  Dyonis
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La responsabilité des enseignants au coeur de nos préoccupations... Comment comprendre le verdict du 2 décembre ? Comment avancer ? Quelles peuvent être nos revendications ?

Le site de la MAIF est très bien fait en ce qui concerne la question de la responsabilité des enseignants. La loi Fauchon notamment y est bien expliquée et ce qui me semblait peu clair jusqu’à présent me semble aujourd’hui limpide : Philippe a bien été condamné en tenant compte de la loi Fauchon !

Par le jugement rendu en décembre 2003 et confirmé en appel la semaine dernière, les juges ont estimé que Philippe avait commis une "faute caractérisée, qui exposait les élèves à un risque d’une particulière gravité et qu’il ne pouvait ignorer" : la fenêtre ouverte alors qu’il savait le danger qu’elle représentait (il l’a dit lui-même) et qu’il savait que les élèves étaient libres de se déplacer dans la classe, constituent pour les juges un cas de faute caractérisée.

Dans le cas d’une faute caractérisée, la loi Fauchon prévoit que la personne responsable pourra être condamnée pénalement. C’est ce qui arrive à Philippe.

Voilà pour l’aspect purement juridique.

Voyons maintenant les implications de ce verdict : les juges reconnaissent bel et bien que la situation de la classe n’était pas en elle-même exceptionnelle, ils admettent que l’enseignement d’aujourd’hui ne peut se faire avec des élèves assis en rangs bien alignés comme autrefois. Ils admettent aussi que les fenêtres étaient conformes aux normes et pouvaient donc être ouvertes. Rien d’anormal donc ? Eh bien non ! Tout est conforme aux règles, MAIS les juges estiment que Philippe était bien conscient du danger constitué par la conjonction de ces différents facteurs.

Les choses pourraient s’arrêter là, Philippe est condamné, la loi a été appliquée. Mais des questions se posent à nous : lorsque nous faisons de la prévention routière et que nous sortons ensuite dans la rue avec nos élèves, ne nous mettons-nous pas nous aussi en danger d’être poursuivis pour les mêmes raisons que Philippe ? Et si un élève, particulièrement agité, se jetait sur une voiture qui passe ?

Nos instructions ministérielles, ici, se heurtent à l’opinion des juges et de certains parents.

Célestin Freinet a été exclu de l’enseignement... Il est aujourd’hui cité pour la première fois dans les programmes officiels de 2002. L’Éducation nationale devance le reste de la société civile, juridique et politique (Darcos était plus éclairé que l’est Fillon...) dans le domaine de la compréhension des besoins des élèves et c’est bien normal. Mais Philippe n’est pas Freinet, même s’il milite pour la même cause, celle des élèves.

Par notre prise de conscience (du fait de notre proximité bien sûr), nous avons aujourd’hui un devoir : tout mettre en œuvre pour que l’intérêt pédagogique et éducatif de l’élève puisse être pris en compte dans le jugement d’affaires comme celle-ci.

Que se serait-il passé, quel aurait été le verdict si le ministre, le Président du comité des programmes ou un autre représentant officiel haut placé du ministère avait témoigné à la barre, témoignage sur les objectifs de l’enseignement, les pratiques pédagogiques préconisées, l’intérêt de l’enfant-élève, l’apprentissage de l’autonomie, de la responsabilité, des risques, etc. ? Ce manque, cette énorme absence, les quatre inspecteurs qui se sont succédés à Épinay depuis le drame l’ont bien ressenti et c’est pour ça qu’ils étaient présents aux audiences.

Mais ça ne pouvait suffire : la hiérarchie directe couvre ses collaborateurs ; la "tête" du ministère, elle, oriente le travail, trace la voie et c’est bien cette voix qui a manqué à Philippe ! Darcos à la barre ! Imaginez ! Non, pas Meirieu, Freinet ou autres Piaget. Darcos !

À l’heure où une table ronde doit s’ouvrir au ministère sur les questions liées à la responsabilité des enseignants, il me semble que les syndicats devraient exiger que les enseignants soient ainsi défendus dès lors qu’aucune faute professionnelle n’est retenue contre eux. Ce serait la moindre des choses. Et ce serait déjà un énorme progrès.

Voilà huit ans que Philippe se débat dans ce drame. Voilà huit ans qu’il subit l’incompréhension de la « société civile ». Il est temps pour lui de se retirer et à nous de prendre le relais, d’exiger l’ouverture de la table ronde (menace de grève nationale en cas de non ouverture dans le délai fixé), d’obtenir une défense pédagogique dès lors qu’aucune faute professionnelle n’est retenue.


Commentaires  Forum fermé

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> Que faire après Philippe ?
jeudi 16 décembre 2004 à 21h10 - par  Alain Izzet

SUITE À LA RÉUNION DU 14 DÉCEMBRE 2004

En somme, la loi de 2000 a bien été appliquée, mais les juges ont considéré que la concomitance des facteurs "fenêtres ouvertes" et "moment de libre circulation dans la classe" constituait un facteur constituant une faute caractérisée, ce que contestent les avocats de l’Autonome.
Voilà donc une formulation juridique des inquiétudes des enseignants d’Épinay.