L’enfant et le maître d’école

vendredi 1er avril 2005
par  Philippe Rocher
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L’ENFANT ET LE MAÎTRE D’ÉCOLE

Dans ce récit je prétends faire voir
D’un certain sot la remontrance vaine.

Un jeune enfant dans l’eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
Le Ciel permit qu’un saule se trouva,
Dont le branchage, après Dieu, le sauva.
S’étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un maître d’école.
L’enfant lui crie : « Au secours ! je péris. »
Le magister, se tournant à ses cris,
D’un ton fort grave à contre-temps s’avise
De le tancer : « Ah ! le petit babouin !
Voyez, dit-il, où l’a mis sa sottise !
Et puis, prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux qu’il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu’ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! »
Ayant tout dit, il mit l’enfant à bord.

Je blâme ici plus de gens qu’on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connaître au discours que j’avance :
Chacun des trois fait un peuple fort grand ;
Le Créateur en a béni l’engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Aux moyens d’exercer leur langue.
Hé mon ami, tire-moi de danger :
Tu feras après ta harangue.

Jean de La Fontaine, Fables, Livre I, 19


SOURCES

Lockman,
Abstemius,
Faërne,
Verdizotti
Il existe une version d’Ésope, L’enfant et le maître d’école, qui, semble t-il, ne peut être considérée comme une source. Elle ne figurait pas dans les recueils auxquels La Fontaine ait pu avoir accès, et Phèdre ne l’a pas reprise.


Documents joints

L'ENFANT ET LE MAÎTRE D'ÉCOLE
Jean de La Fontaine, Fables, Livre I, 19