L’huître et les plaideurs

mardi 29 mars 2005
par  Philippe Rocher
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L’HUÎTRE ET LES PLAIDEURS

Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent
Une huître que le flot y venait d’apporter :
Ils l’avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ;
A l’égard de la dent il fallut contester.
L’un se baissait déjà pour amasser la proie ;
L’autre le pousse, et dit : « Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.
Celui qui le premier a pu l’apercevoir
En sera le gobeur ; l’autre le verra faire.
- Si par là on juge l’affaire,
Reprit son compagnon, j’ai l’oeil bon, Dieu merci .
- Je ne l’ai pas mauvais aussi,
Dit l’autre, et je l’ai vue avant vous, sur ma vie.
- Eh bien ! vous l’avez vue, et moi je l’ai sentie. »
Pendant tout ce bel incident,
Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin fort gravement ouvre l’huître, et la gruge,
Nos deux messieurs le regardant.
Ce repas fait, il dit d’un ton de président :
« Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille
Sans dépens, et qu’en paix chacun chez soi s’en aille. »

Mettez ce qu’il en coûte à plaider aujourd’hui ;
Comptez ce qu’il en reste à beaucoup de familles ;
Vous verrez que Perrin tire l’argent à lui,
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles .

Jean de La Fontaine, Fables, Livre IX, 9


SOURCE
inconnue


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L'huître et les plaideurs
Jean de La Fontaine, Fables, Livre IX, 9