Vers une professionnalisation du métier (1)

Intervention de P. Meirieu
lundi 15 mai 2006
par  Jean-Claude ROLLAND, Philippe Rocher
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e réseau Eppéé, invité à la journée nationale de l’OZP le samedi 13 mai dont le thème était "ZEP-REP : A LA RECHERCHE DE L’EXCELLENCE - Pour une professionnalisation enseignante" présente ici un compte-rendu de l’intervention de P. Meirieu ...



L’intervention de Philippe Meirieu, ce samedi 13 mai à la journée nationale de l’OZP, propose de réajuster les modalités aux finalités de l’enseignement en remettant en cause quelques organisations et situations figées :

Rappelons qu’historiquement c’est souvent à la marge, à la banlieue, que les questions pédagogiques centrales pour l’ensemble du système éducatif se posent avec le plus d’acuité, et qu’en l’occurrence c’est aujourd’hui dans les banlieues, en particulier dans les ZEP, que la recherche de modalités pédagogiques appropriées aux finalités recherchées mobilise désormais de plus en plus d’enseignants.

Les treize points évoqués constituent une synthèse des ateliers auxquels P.Mérieu a pu participer le matin. Pour accéder au texte qui était initialement prévu sur la formation des enseigants, voir le compte-rendu du site de l’OZP


À force de réfléchir et de s’interroger sur les « comment ? » on en oublie le pourquoi de notre mission d’enseignant, les finalités même de la profession : former des élèves, améliorer leurs performances en termes de connaissances et de compétences.

Aujourd’hui, quels sont les modèles de l’école et de la classe ?
Des séances de 1 heure environ ; sur une semaine représentant environ 1/36ème du programme ; avec des élèves dont 1/3 sont de bons éléments, 1/3 moyens et 1/3 en difficulté ; dans une classe de niveau ; avec des leçons et des devoirs à faire à la maison ; des césures fortes entre les classes et les niveaux ; des parents mal à l’aise ou méfiants face aux enseignants ; des remédiations et une individualisation mises en œuvre après l’échec.
Cette individualisation a par ailleurs généré des effets pervers dans un système collectif à l’opposé du préceptorat : les regroupements que nous mettons en place sont des groupes de besoins ou de niveau, des "individus-collectifs", des collectifs homogènes qui refusent l’altérité.

À travers 13 points, P. Meirieu propose que nous nous autorisions enfin à penser que l’existant n’est pas figé, qu’il y a d’autres possibles :

-  Militer pour des unités pédagogiques hétérogènes : des classes multi âge, des enseignés de niveaux différents et pourquoi pas des adultes qui poursuivrait une scolarité pour un temps abandonnée ou même des adultes en alphabétisation ...
-  Penser autrement la répartition des moyens : L’utilisation des crédits attribués aux établissements est particulièrement rigide et jacobine. Les contrôles sont effectués sur les modalités d’utilisation des moyens et non sur les résultats obtenus. Les moyens utilisés de manière globale permettraient une autonomie plus grande des établissements scolaires.
-  Indexer les crédits attribués sur les catégories socio-professionnelles. Les crédits pourraient être proportionnels au taux de CSP défavorisées.
-  Gérer collectivement les moyens et de manière démocratique : parents, enseignants, délégués élèves, au sein d’une instance consultative doivent pouvoir avoir un poids sur le collectif.
-  Instituer un cadre, collectivement, ce qui implique une institution conjointe de l’espace (par des architectures d’établissements réfléchies et adaptées aux finalités), du temps, et des mentalalités (rituels)
-  Mettre en œuvre une pédagogie du comprendre : comprendre parce qu’on fait, parce que l’élève agit, ce qui lui permet d’apprendre (pour apprendre il faut faire car seul le faire permet de comprendre) ; accepter également que pour une même compétence que l’on considérera acquise, les performances puissent être inégales.
-  Centrer la pédagogie sur la culture : la culture structure les savoirs ; les savoirs déconnectés de leur arrière plan culturel ne priment pas ; la culture permet de mobiliser les élèves et de suciter le plaisir d’apprendre.
-  Formaliser fortement après une approche globale : la vérification des acquis est importante et la formalisation, l’institutionnalisation des savoirs acquis/construits sont essentielles. La formalisation par les règles et les résumés de leçons ne s’oppose absolument pas à une pédagogie basée sur la triade apprendre-faire-comprendre où le faire est central.
-  Avoir une vision continue de la scolarité : on assiste parfois à une déconstruction des savoirs et des compétences au collège en 6ème. Quelle aide dans l’organisation du travail ? Comment contribuer à la maîtrise du métier d’élève en 6e ? Qui sont les interlocuteurs véritables des élèves de 6e ?
-  Considérer l’évaluation comme un défi : avoir des exigences de perfection à travers des projets forts d’élèves à la manière du compagnonnage.
-  Considérer la formation initiale et continue comme un accompagnement de projet d’enseignant et d’équipe : mettre en œuvre les formations sur la base de projets en fournissant aux enseignants les ressources nécessaires pour surmonter les obstacles rencontrés et pour les réinvestissements.
-  Travailler avec les familles et faire disparaître les crispations : réfléchir et agir sur les stratégies d’évitement de certains établissements, penser l’accueil, utiliser les familles relais...
-  Avoir une conviction éthique double : tenir à la fois le pari de l’éducabilité (tous capables) tout en gardant à l’esprit que l’on ne peut forcer quiconque à apprendre.

Ces modalités repensées à travers ces 13 points apparaissent avant tout comme étant au service de la pédagogie des équipes d’enseignants et de leurs pratiques. La plus grande autonomie et la plus grande responsabilisation qui en résultent (et qu’elles supposent) contribuent à la professionnalisation du métier et à la recherche de pratiques d’excellence, deux éléments essentiels en ZEP plus qu’ailleurs.

Alors que nos dirigeants, nos ministres, notre hiérarchie et autres prescripteurs centrent leurs préoccupations et leurs requêtes sur les modalités d’enseignement, en matière de programmes, socle commun, méthodes de lecture, évaluations, apprentissage, formation, les équipes pédagogiques, les directeurs et les enseignants se sentent de plus en plus enfermés par ces systèmes complexes.
On en arrive à penser que cette dérive organisationnelle freine la professionnalisation du métier d’enseignant, professionnalisation réclamant autonomie, responsabilisation, éthique, organisation collective, formation.


Compte-rendu rédigé à partir de notes lors de l’intervention de P. Meirieu mais passé au filtre de la réflexion des rédacteurs ... ;-) donc sûrement peu objectif ...


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> Vers une professionnalisation du métier : Mérieu
lundi 3 juillet 2006 à 23h57 - par  Jean-Claude ROLLAND