L’aide aux élèves : repérer, formaliser, organiser

vendredi 16 juin 2006
par  Jean-Claude ROLLAND
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Organiser l’aide aux élèves

u moment où l’on parle de l’égalité des chances, d’ambition réussite, de relance de l’éducation prioritaire et du traitement de la grande difficulté scolaire, il paraît intéressant de se pencher à partir des pratiques et des expérimentations menées par les équipes pédagogiques et éducatives sur les questionnements, les interrogations, les difficultés de mises en œuvre des Projets Personnalisés de Réussite Educative (PPRE) à destination des élèves en difficulté scolaire.

Du diagnostic de la difficulté scolaire

Une culture de l’évaluation
Ce terme de « diagnostic » de la difficulté scolaire apparaît en 2000 non pas ex-nihilo mais bien d’une culture de pratiques évaluatives des enseignants s’installant au gré des prescriptions ministérielles depuis l’évaluation mise en place nationalement en 1989 en début de CE2 et de 6ème. En 1998, la priorité est fixée sur un diagnostic précis concernant les élèves en grande difficulté. Apparaissent alors les “programmes personnalisés d’aide et de progrès” (PPAP). A l’école de prendre en charge les modalités de l’aide apportée à ces élèves. Sont alors mobilisées les ressources internes des écoles, directions déchargées, réseau d’aide (Rased), maître supplémentaire le cas échéant, ...
Les enseignants vont voir alors leurs pratiques évaluatives se modifier. En effet, du bilan de connaissances ou de compétences posé à un moment de la scolarité des élèves, permettant à la fois de réinterroger leurs pratiques au cours du cycle 2 et de programmer leurs enseignements en ce début d’année en CE2, ils passeront par ce repérage des difficultés et ce de manière diagnostique à un traitement plus différencié.
Et c’est ce traitement individualisé qui amènera les collègues à une problématique nouvelle : comment à la fois fournir à tous les élèves le même enseignement et un parcours différencié, personnalisé à ces élèves dont un diagnostic de difficulté scolaire a été posé ?

Etre en difficulté scolaire ? Avoir des difficultés scolaires ?
Ce diagnostic que l’on sait devoir poser le plus tôt possible, comment le dresser, quels outils sont à notre disposition, comment exploiter les informations que l’on va recueillir et surtout comment à partir de ces indicateurs fixer des objectifs ?
Tout apprentissage, quelque qu’il soit, nécessite que l’on passe par une phase de difficultés. En effet comment peut-on apprendre, modifier une conception, remettre en cause des représentations s’il n’y pas d’obstacle. Un effort est indispensable et il est donc normal d’avoir des difficultés scolaires. Ce qui devra soucier l’enseignant c’est à la fois la persistance de ces difficultés scolaires dans le temps et la résistance de ces obstacles à des détours pédagogiques.

Les évaluations nationales, leur traitement
Dispositif national d’évaluation diagnostique - année 2006-2007 - CIRCULAIRE N°2006-095 DU 9-6-2006
En quoi et comment les évaluations nationales vont-elles aider à poser ces diagnostics ?
Ces outils maintenant bien connus des enseignants, que ce soit les évaluations Grande section/ Cours préparatoire, CE1, CE2, CM2, 6ème sont des protocoles souvent perçus comme lourds et formels. En effet, la passation des épreuves en début d’année, souvent concentrée durant une seule semaine provoque une certaine tension chez les enseignants et les élèves. De plus certaines évaluations, en particulier celles de GS/CP réclament une passation individuelle ou en groupe restreint.
Au terme de cette passation, s’engage un long travail clairement reconnu comme fastidieux par les maîtres : la correction. Certaines équipes, afin de faire connaître à tous les membres le contenu de l’évaluation et avoir une vue globale, quoique encore partielle des difficultés des élèves apparaissant face à certains exercices effectuent une correction collective. Les codages les plus intéressants puisque révélateurs du type d’erreur ou des démarches des élèves sont souvent sujets à controverses.
La tâche déjà lourde, on le voit, pourrait s’arrêter là et c’est avec un soupir de soulagement que les enseignants se disent qu’enfin l’année scolaire peut débuter. Mais aucun diagnostic précis n’est encore posé ...

Qu’évalue-t-on ?
On trouvera parmi les compétences évaluées trois types :

- ces compétences absolument fondamentales dont la maîtrise doit s’acquérir : les compétences « de bases » ou « nécessaires » aux enfants pour profiter pleinement des situations pédagogiques de cycle 2, 3 ou de 6ème
- ces compétences approfondies qui mettent en jeu des stratégies, des savoir-faire qui seront entraînées et fixées tout au long des années du cycle

- enfin, ces compétences remarquables qui deviendront l’objet essentiel des enseignements du collège ou du cycle suivant.
Puisqu’il s’agit de poser un diagnostic de la difficulté scolaire, ce sont les premières qu’il faudra identifier de façon fine et sur lesquelles on s’interrogera lorsque l’échec sur ces items est massif.

Le traitement informatisé
Enfin, vient le moment de la saisie informatique des réponses des élèves aux différents items en utilisant les logiciels Casimir, J’ade, ou encore un tableur lorsque les feuilles de calcul ont été crées. La maîtrise de l’outil informatique des enseignants est là un frein évident. L’ensemble des ressources humaines est là mobilisé : enseignants, directions, assistants d’éducation, ...
Quelles informations sur les compétences des élèves sont utilisées à partir de ces logiciels ? Que nous apportent-ils sur ce que ne savent pas nos élèves ?
Les premiers documents d’analyse des résultats des élèves sont des tableaux simples tenant compte des scores globaux de réussite de l’ensemble des élèves de l’école, de la classe, d’autres plus précis mesurent ces scores par champs. J’ade fournit également des scores de réussite item par item pour l’ensemble des élèves. Puis on pourra enfin s’intéresser aux résultats de chacun des élèves. L’abondance d’informations fournies aux équipes enseignantes par ces logiciels génère ce qu’on appelle en documentation du « bruit », surplus d’informations nuisant à une analyse personnalisée des résultats d’un élève.

Analyser les résultats et poser les hypothèses.

Seule une étude croisée des résultats, scores de réussite et score d’échecs des élèves d’une part et des productions des élèves d’autre part permettra aux enseignants d’avancer quelques hypothèses sur les erreurs des élèves révélatrices d’un savoir incomplet ou de procédures inadaptées.
Les outils fournis par la circonscription d’Epinay sont des feuilles de calcul (évaluations GS/CP, CE1, CE2, 6ème) permettant à la fois un repérage d’items massivement échoués, ce qui demandera un ajustement de la progression des classes et un questionnement de la programmation à travers le cycle mais aussi et surtout un repérage d’items réussis et échoués par tel ou tel élève, ce qui permettra de dégager les axes de travail personnalisé et les objectifs précis en termes de savoirs et compétences à cibler pour les PPRE.
C’est la phase d’hypothèses sur les erreurs des élèves :

- Les non-réponses peuvent apparaître nombreuses et ce nombre peut interroger soit la passation des épreuves, soit la rédaction de l’exercice lui-même, la consigne oralisée ou non, ...
Au-delà de la passation au sens large, quelles peuvent être les causes d’un nombre important de non réponses dans la production d’un élève ? Blocages, instabilité, retrait, peur de mal faire, absence d’autonomie, ... L’évaluation seule ne peut permettre de répondre et de valider ou invalider telle ou telle hypothèse. Une première recherche d’hypothèses se fera donc par entretien avec l’élève. L’observation des élèves en activité dans les classes est un outil qui permettra d’accumuler d’autres informations. On notera ici, que les observations du maître spécialisé chargé de l’aide à dominante rééducative (maître G) se préoccupant du « mieux être à l’école » ou du psychologue scolaire permettront d’affiner les hypothèses.

- Les réponses non attendues, codées par les concepteurs des évaluations par des « 2 » ou d’autres chiffres, apportent très souvent des indications sur les démarches adoptées par l’élève. Certes, elles alourdissent la correction, mais surtout permettent d’affiner les hypothèses sur les erreurs. Qu’elles relèvent d’habitudes scolaires inadaptées, des démarches mises en œuvre, d’interprétations inexactes de la consigne, d’opérations mentales peu performantes dans la situation proposée, ... l’enseignant à la recherche d’hypothèses ne pourra économiser à la fois un retour aux productions de l’élève et un entretien avec lui concernant ses démarches.

- Les items échoués. Le code « 9 » sanctionnant la production lors de l’évaluation ne permet pas d’obtenir la moindre information sur l’origine de l’erreur de l’élève. Puisqu’il s’agit d’évaluation diagnostique et non sommative, là encore le retour au cahier et l’entretien avec l’élève sont indispensables.

L’entretien avec les élèves
L’entretien, en soulignant avec l’élève ses réussites, permettra de mesurer à la fois la motivation et l’appréhension face à ces évaluations. On s’attachera à ne pas enfermer ce moment dans une analyse conjointe des exercices échoués uniquement.
Cet entretien avec l’élève au terme d’une analyse de ses résultats a plusieurs finalités :

- valider ou invalider les hypothèses émises par l’enseignant lors de la correction et l’analyse des résultats

- constater si le type d’erreurs, l’échec à l’exercice sont persistants et résistants (cela peut également être observé lors d’activités en classe)

- entendre la demande d’aide de l’élève
L’élève assuré de l’aide qui sera mise en œuvre pour le soutenir devra en ressortir convaincu de l’intérêt que les enseignants lui portent.

Un regard sur le parcours scolaire
Afin d’affiner encore les hypothèses et les possibles mesures que le maître devra formaliser, afin de ne pas répéter des actions qui n’ont su ou n’ont pu être efficaces, l’établissement d’un historique scolaire est nécessaire. Toutes les informations concernant le passé scolaire seront apportée par les maîtres du ou des cycles précédents, les maîtres du conseil de cycle, les membres du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) : retard scolaire, précédentes demandes d’aide, signalements à des structures internes à l’école ou externes, suites données à ces demandes, leur forme, leur durée, leur bilan, ... Les observations portées par les différents membres de l’équipe éducative concernant les manifestations des difficultés de l’élève, ses attitudes dans des situations scolaires, son organisation, son autonomie, ... Le psychologue scolaire apportera ici son regard de spécialiste. Le directeur d’école pourra éventuellement faire part du taux d’absentéisme des années précédentes et le comparer avec l’année scolaire en cours, ...

On s’aperçoit ici que ce diagnostic demandé aux enseignants n’est pas une tâche aisée. Les pratiques évaluatives sont singulièrement modifiées. Cela requiert donc disponibilité, temps de concertation, travail d’équipe, initiative, ... mais également un accompagnement de la part des équipes de circonscription, conseillers pédagogiques, coordonnateurs Rep, collaborateurs AIS, ...

De la formalisation des besoins aux actions du programme personnalisé.

Formaliser les besoins dans le domaine de la langue et en mathématiques.
Reprendre à travers les différents champs de l’évaluation, les groupes d’items, les items échoués permettra à la fois à l’enseignant, à l’élève et aux parents de mesurer la tâche, les objectifs à atteindre et les progrès qui seront effectifs.
Cette première phase de formalisation enrichie par les différentes hypothèses que l’on aura pu émettre devra permettre à l’équipe éducative d’organiser les aides, leurs formes et leurs modalités.

Une programmation du programme personnalisé.
Une fois les objectifs à atteindre définis, apparaît la nécessité de définir les activités que l’on proposera à ces élèves. Ces activités proposées (recherche, entraînement, structuration, production, communication, expression, ...) devront répondre à des objectifs spécifiques précis. De nombreuses pistes pédagogiques sont proposées dans les livres du maître, guides de la passation des évaluations pour l’évaluation CE2 et 6ème. En ce qui concerne l’évaluation GS/CP et CE1 en lecture, on se reportera utilement aux livrets CP, documents d’accompagnement des programmes. De même, en mathématiques, de nombreux manuels proposent des activités de « re-médiation ». Les maîtres E, spécialistes seront alors un apport riche et efficace de par leur spécialisation et leur expérience. Charge à l’équipe rédactrice du PPRE de programmer, planifier l’ensemble des activités. Les échéances devront être courtes. En effet, un PPRE ne peut s’étaler sur un temps trop long, risquant soit de marginaliser les élèves en bénéficiant, soit de retarder leur progression dans la programmation des contenus, savoirs et compétences du cycle.

Le programme personnalisé au sein de la classe.
Les analyses différentes des résultats des élèves, en utilisant le logiciel J’ade ou encore des feuilles de calcul, permettra de créer des groupes de besoins en fonction des champs et des compétences à travailler avec les élèves. Au sein même de ces groupes, une attention particulière pourra être portée aux élèves les plus en difficulté. Des groupes trop homogènes, constitués d’élèves ayant les mêmes difficultés et des performances identiques en ce qui concerne les compétences en jeu pourraient être stériles quant aux apports d’autres élèves.
Il s’agira d’abord pour le maître de penser et apporter les étayages nécessaires à l’apprentissage.
Cette différenciation pédagogique, dont les maîtres maîtrisent les modalités (contenus, amplitude et nature des tâches, aides) sera une première étape nécessaire à la réussite.
Quant à la mise en œuvre d’une pédagogie différenciée, prenant en compte les besoins de tous les élèves, permettant à tous un parcours personnel pour atteindre les mêmes objectifs, n’est-elle pas une gageure souvent considérée comme inaccessible par les maîtres ? La pédagogie de contrat, la pédagogie de maîtrise, la pédagogie Freinet, ... sont des pistes à ne pas délaisser.

Le programme personnalisé au sein du cycle : des ateliers.
De nombreuses équipes d’enseignants du cycle, souvent avec l’apport de la direction d’école si elle est déchargée ou encore avec l’aide d’assistants d’éducation, organisent des modalités de décloisonnement qui permettent la constitution de groupes de besoin. Lors de ces ateliers, les élèves les plus « en difficulté » sont « pris » dans des groupes plus restreints, ce qui permet aux maîtres de leur apporter une attention plus soutenue. Les maîtres E, chargés de l’aide à dominante pédagogique, sollicités participant à ces ateliers travaillent soit dans une salle spécifiquement aménagée pour les regroupements d’adaptation, soit dans la classe de l’élève en cas de co-intervention. Leurs aides spécialisées seront précieuses. Malheureusement, souvent par manque de moyens, soit par la définition de priorités autres en ce qui concerne les prises en charge, cette aide n’est que très peu apportée au cycle 3.
Ces décloisonnements multiples conjugués aux échanges de service indispensables à l’enseignement des langues vivantes ou encore ceux nécessaires à la mise en œuvre d’actions du projet d’école requièrent une organisation sans faille, souvent lourde à mettre en place, sujette aux aléas de la vie d’une école, absences, problèmes de locaux, ... D’autant que certaines fois une telle logistique réclame au début des années scolaires une planification longue à mettre en œuvre.

Le programme personnalisé et les prises en charge externes au monde scolaire.
Nous parlions de diagnostic de la difficulté scolaire, mais bien trop souvent ce sont d’autres diagnostics qui sont posés abusivement par les enseignants et ce par méconnaissance : « Il a besoin d’orthophonie, il est dysorthographique, dyspraxique, dyslexique ... » . Nous ne sommes ni formés ni aptes à poser ces jugements, sentences ou verdicts au nom d’un échec scolaire qui est sûrement le notre, un échec de l’école. Seule la médecine, généralistes, psychiatre
Psychologues privés, orthophonistes, CMP assurant une prise en charge des enfants présentant des difficultés affectives, psychologiques ou familiales travaillant avec psychiatres, infirmiers psychiatriques, psychologues, assistants sociaux, auxquels peuvent s’adjoindre un orthophoniste, un psychomotricien et / ou un éducateur spécialisé, ... autant de structures et d’intervenants souvent bien mal connus des enseignants.


Commentaires  Forum fermé

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> L’aide aux élèves : repérer, formaliser, organiser
mardi 12 septembre 2006 à 09h51 - par  Christian ZAMUNER

Excellent site. Je ne manquerai pas d’en user et d’en abuser !
Un message de salutations amicales à l’équipe d’Epinay.
Christian ZAMUNER
IEN Maisons-Alfort

lundi 15 octobre 2007 à 15h27

Et voilà... quoi de neuf sur les PPRE... j’ai pensé à Epinay... et je retrouve en plus du travail de l’efficace Jean-Claude, un mot de Christian...Le monde est petit, non ? Bises à tous les anciens de Christine RAZET