Histoire des journaux scolaires
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Une histoire des journaux à l’école du 18ème à nos jours... Robin, Dewey, Korcsak, Decroly, Freinet, ... Extraits du site cyberechos.creteil.iufm.fr.
18ème siècle :
Charles Rollin, élu en 1664 recteur de l’université de Paris, puis appelé en 1699 à la cour pour l’éducation "des enfants de France", met en valeur l’imprimerie au service de l’éducation des enfants. Dans le "Traité des études ou de la manière d’enseigner et d’étudier les belles lettres", paru en 1726, il décrit le bureau typographe et ses avantages :
"...On cite un grand nombre d’enfants de trois et de quatre ans sur qui l’on a fait une heureuse épreuve de cette méthode, et j’en ai été témoin. Ce que je sais encore par moi-même, c’est qu’elle a fort réussi à l’égard d’un enfant de qualité à qui je m’intéresse, en lui ôtant un dégoût horrible qu’il avait pour toute application et toute étude où il n’allait presque jamais qu’en pleurant ; au lieu que maintenant le bureau fait sa joie, et ne lui coûte des larmes que quand il s’en voit privé ! Un autre avantage qu’a cette méthode, c’est que le maître peut exercer à la fois plusieurs enfants au même bureau (ce qui peut allumer entre eux une utile émulation), et qu’un enfant peut aussi s’y exercer ou y jouer seul, sans le secours d’un maître."
L’imprimerie, à cette époque est rarement utilisée pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, c’est surtout un moyen privilégié de diffuser ses idées ou faire connaître ses problèmes particuliers, c’est ce qui intéresse très tôt les jeunes.
19ème siècle
On trouve l’exemple de deux journaux lycéens qui se "combattent" en 1831, au Lycée Henri IV, à Paris. En 1882, les Droits de la Jeunesse, organe de la jeunesse des écoles, revendique la volonté des jeunes de participer aux grands débats.
Paul Robin (1837-1912) : l’enseignement intégral
Pour comprendre son œuvre, mesurer son projet et son mérite, il est nécessaire de rappeler les réalités éducatives de la fin du siècle dernier et les séparations sur lesquelles elles s’étaient édifiées : séparation des filles et des garçons, séparation de l’enseignement général et professionnel, séparation des secteurs laïques et libres. Robin prônait la coéducation, l’éducation intégrale et l’attitude antireligieuse. C’est à Cempuis qu’il met en œuvre ses principes d’éducation :
les relations sociales entre les pairs et avec les aînés sont prioritaires ;
les élèves fixeront en assemblée les lois de leur organisation ;
les jeunes serviront d’aides aux aînés, les aînés de guides aux jeunes.
Paul Robin développe les randonnées, les excursions, les exercices physiques, la pratique des arts, les sciences, l’utilisation des technologies éducatives et particulièrement celle de l’imprimerie avec la publication du Bulletin, journal de l’institution.
John Dewey (1859 - 1952) : les écoles nouvelles
Les premiers journaux scolaires produits par des enfants avec l’aide d’enseignants sont sans doute nés aux Etats-Unis, dans les "écoles nouvelles". John Dewey, professeur de philosophie à l’Université de Columbia fait référence à des pratiques qui de situent vers 1910 - 1915 et il en souligne les grands avantages "Outre l’intérêt que les élèves ont trouvé dans la composition au composteur, la manœuvre de la presse et le tirage des imprimés, l’enseignement de la langue a tiré un grand profit de cette innovation"¹. Mais pour Dewey, l’imprimerie n’est pas centrale dans son projet pédagogique. Elle permet l’attitude active de l’enfant et fait partie du travail manuel, important à ses yeux.
Janus Korcsak : la gazette scolaire
La "gazette scolaire" et l’actualité sont au centre du projet "démocratique" de Korczak, responsable de l’orphelinat de Varsovie. Ce médecin accompagnera "ses" enfants jusqu’au camp de la mort de Treblinka. En 1921, il décrit les pratiques de pédagogie nouvelle en Pologne dans "De la gazette scolaire". Il insiste sur l’intérêt d’entreprendre la rédaction d’un journal scolaire.
Korcsak s’intéresse plus à l’information qu’à "l’expression libre" de l’enfant. Un seul exemplaire est imprimé car pour lui, la calligraphie est un art qui magnifie la pensée alors que pour Freinet, c’est l’imprimé qui lui donnait l’immortalité.
Ovide Decroly (1871 - 1932) :
Decroly conçoit l’école de la vie par la vie. Il axe donc largement sa pédagogie sur les intérêts de l’enfant, il faut s’adresser à son affectivité et exciter sa curiosité.
Son influence est très importante, notamment sur Freinet, mais comme pour Dewey, le journal scolaire et l’imprimerie ne sont pas au centre de son projet pédagogique. Ils sont intégrés aux autres activités collectives : comités d’enfants, sports, jeux et concours, le théâtre et l’orchestre. L’école de l’Ermitage publie six fois par an, une revue, Le courrier de l’école.
Ces exemples montrent à quel point, à la fin du XIX siècle, le journal est associé à la pédagogie active et à une nouvelle approche de l’enfant. D’autres pédagogues pourraient être cités et associés à la naissance de l’imprimerie à l’école mais c’est à Célestin Freinet que l’on doit son développement à grande échelle. Son apport sera à la fois de placer l’imprimerie au centre des activités de la classe et d’entraîner des milliers d’instituteurs dans un même mouvement.
Célestin Freinet (1896 - 1966)
Instituteur, Célestin Freinet, milite activement pour la "naissance d’une pédagogie populaire". Le refus de la monstrueuse et dégoûtante horreur de la guerre et une dénonciation de l’ordre social qui a engendré cette guerre sont ses principales motivations. Il essaye de créer une école pour les enfants du peuple, prolongement naturel des activités proches de la vie des élèves. L’idée fondatrice est celle de l’imprimerie dans la classe. Elle permet le travail de lecture sur des textes, semblables à ceux des livres mais plus proches de l’intérêt des enfants, l’échange avec une autre classe (ce sera la correspondance scolaire) et la production d’un écrit social, finalisé : le journal scolaire. A la fin des années vingt, le bulletin "L’imprimerie à l’école" regroupe les partisans de cette pédagogie. En 1927, le "Mouvement des imprimeurs" se rencontre au Congrès Syndical de la Fédération de l’Enseignement. En 1932, paraît le premier numéro de la Bibliothèque de travail. Freinet est ensuite victime de pressions et doit créer une école privée et laïque, pour poursuivre son projet : l’école de Vence.
Pendant la seconde guerre mondiale, Célestin Freinet est d’abord interné puis placé en résidence surveillée ; il s’implique ensuite activement dans la résistance en 1944. A la libération, il n’est pas associé à la reconstruction du système éducatif mais ses idées cependant influencent de nombreux enseignants. Ainsi, des militants créent, en 1947, l’ICEM (Institut de l’Ecole Moderne Française).
Freinet établit sa méthode pédagogique sur trois grands principes :
Le matérialisme pédagogique
Les outils et les techniques transforment le climat de la classe : l’imprimerie, la bibliothèque de lecture et de documentation, les "Bibliothèques de Travail" (BT), les fichiers de travail individuel autocorrectifs, la caisse à outils, l’appareil photographique, le magnétophone...
La vie coopérative
Le conseil de coopérative détermine l’organisation du travail, le suivi et la vérification de son achèvement, la régulation de la vie de groupe dans la classe et dans l’école.
La personnalisation des apprentissages
Pour Freinet, l’école doit être centrée sur l’enfant, membre de la communauté et sujet social. Il met en place la technique du plan de travail individuel, les outils personnalisés comme les fichiers autocorrectifs, les bandes d’autoenseignement. L’individualisation s’accompagne d’une communication et d’un échange avec le groupe.
Aujourd’hui, si certains concepts semblent dépassés (le texte libre, l’école du peuple), d’autres sont toujours d’actualité. La démocratisation d’accès à l’enseignement secondaire et supérieur, et surtout celle de la réussite scolaire restent des problèmes majeurs.
La plupart des journaux scolaires sont, encore aujourd’hui, réalisés dans les écoles qui se réclament plus ou moins directement de cette pédagogie.
De 1950 à nos jours
L’imprimerie à l’école se développe ensuite rapidement et les journaux scolaires se multiplient. De nombreux enseignants considèrent, dans les années 30, que l’imprimerie est "l’unique technique révolutionnaire". En 1951, la question du statut des journaux et des jeunes journalistes est posée par le mouvement Freinet. Mais de plus en plus de projets se développent hors de l’Institut, de nombreux enseignants produisent des journaux pour motiver la production d’écrits de leurs élèves et pour favoriser la communication entre l’école et son environnement.
"Plus que simple motivation, le journal scolaire est devenu un outil d’information, support de création, véhicule de pensée, initiation à l’opinion... c’est à dire un véritable auxiliaire de l’ouverture de l’école sur le monde moderne".
En 1989, les jeunes, lors d’un festival sur la presse jeunesse, souhaitent qu’il n’y ait plus de différences entre les journaux lycéens et "adultes", revendiquant les mêmes droits et devoirs.
Aujourd’hui, la mutation technologique fait évoluer les pratiques. On recense plusieurs milliers de journaux scolaires : du projet le plus ambitieux (réalisation d’un vrai magazine avec un comité de rédaction et impliquant de nombreux partenaires, à la simple feuille d’actualité centrée sur la vie de la classe). De nouveaux supports sont également apparus : émissions radio, programmes télévisés ou diffusion en ligne et l’écran informatique remplace de plus en plus le typographe.
Extraits d’un document réalisé par G. Ferone sur le site cyberechos.creteil.iufm.fr.
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