Les situations problèmes
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« Un problème réel est un fait mental, psychique, qui implique un certain processus psychologique chez celui qui le ressent comme problème. Rien ne peut être fait pour quelqu’un parce qu’on lui accole l’étiquette : problème, parce que le maître y voit un problème [ ... ] il faut qu’une difficulté lui apparaisse comme sa difficulté à lui, comme un obstacle né dans et au cours de son expérience, et qu’il s’agit de surmonter s’il veut atteindre sa fin personnelle, l’intégrité et la plénitude de son expérience propre. » [1]
Une situation problème doit être conçue et rencontrée dans un contexte alors qu’elle fait partie intégrante du projet, elle doit avoir du sens. L’obstacle ou la difficulté apparaît au cours de la réalisation du projet. Le rôle du maître est alors de construire à partir des difficultés des situations que l’élève ne pourra résoudre en utilisant uniquement un savoir par simple répétition ou en appliquant des connaissances antérieures. La résolution du problème nécessite donc des formulations d’hypothèses nouvelles.
Laisser les démarches de recherche des élèves seuls, face à une situation, alors que certains points s’éclairent, se heurter à de nouveaux obstacles est important pour ne pas aller là où on est déjà. Il s’agit là d’une progression en réseaux qui favorise la construction d’idées générales (notions, concepts, règles, ...) Il apparaît donc nécessaire pour le maître de se faire parfois violence et suivre la démarche et les stratégies des élèves.
Les étapes ou aspects d’une pensée réfléchie sont pour Dewey les suivantes :
1° Le point de départ est l’expérience actuelle, une situation empirique (et non formelle) ; leurs sources est l’environnement proche (maison, communauté scolaire, etc.) aménageable.
2° Une interruption de la vie intellectuelle est la source de la deuxième étape. Des obstacles apparaissent, rupture de la continuité de l’expérience : c’est la pédagogie de la question consistant à définir la difficulté, le problème (Dewey formule le principe de dissonance cognitive)
3° L’inspection des données peut conduire vers une solution ; on appelle l’expérience passée, on réunit les « matériaux nécessaires ».
4° La formulation d’hypothèses en vue de restaurer la continuité, de résoudre le problème est le noyau de « l’action intelligente », une représentation des solutions envisagées que l’on infère et dont on imagine les conséquences probables. C’est la « logique de l’enquête ».
5° L’hypothèse doit être mise à l’épreuve de l’expérience, ici concentrée sur l’action sur le monde. Projets, ou plan d’actions sont à la fois des actions sur les choses et des modes de pensée selon le principe du learning by doing. [2]
Dans le projet, ou le travail en projet les élèves seront confrontés aux situations problèmes , ce qui nécessitera
le travail sur les représentations mentales des élèves (ou ce qui en émerge) : une représentation est un modèle explicatif, simple, logique, lié au réel qui peut parfois être en rapport avec le social, le culturel, l’affectif. Elle est résistante au changement. Ce qui émerge des discussions ou des productions des élèves ne sont souvent que des manifestations externes de leurs représentations.
les confrontations : elles génèrent des conflits cognitifs ou socio-cognitifs. Les croyances, les représentations qui entrent en conflit avec des faits, des observations, des documents, avec des contre-exemples proposés par le maître ou avec les représentations d’autres élèves obligeront à déstabiliser ce qu’on pensait savoir.
les objectifs obstacles : ce sont des moyens pédagogiques mis en place par l’enseignant qui obligent l’élève à mobiliser des savoirs qui ne sont plus opérationnels, puis à inventer d’autres solutions. « Objectif dont l’acquisition permet au sujet de franchir un palier décisif de progression en modifiant son système de représentations et en le faisant acquérir un niveau supérieur de formulation [3] » ; l’amplitude du saut pour surmonter cet obstacle ne doit être ni trop grande ni trop légère ;
le « contrat » didactique : il définit la relation pédagogique entre l’enseignant et l’élève. La situation doit mettre les élèves aux prises avec les obstacles sans que le maître explicite trop ce qu’il attend d’eux afin d’éviter « l’effet Topaze [4] » ; c’est une tentative de définition du « métier d’élève » et du « métier du maître ». Du côté de l’élève, c’est aussi accepter que le maître réponde à une question par une autre question et qu’en cela, il ne refuse pas de lui apporter de l’aide, mais lui redonne des pistes.
l’organisation en concepts des apprentissages : un concept est une représentation mentale abstraite et générale, qui donc peut s’appliquer hors du contexte de l’apprentissage par opposition à la notion, connaissance immédiate, élémentaire, plus ou moins confuse. Un concept ne se construira pas en une fois, il s’étend, il s’affine au fur et à mesure des apprentissages. Ainsi, les concepts complexes s’affineront tout au long du projet.
[1] Dewey John, Comment nous pensons, Flammarion, 1925
[2] Dewey John, Comment nous pensons, Flammarion, 1925
[3] Meirieu Philippe, Apprendre ... oui, mais comment ?, ESF, 1988
[4] Brousseau G. , en référence au personnage de Marcel Pagnol, à la dictée des « moutons...sss ... »